MOIRIGNOT
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Il trouve dans l’ivoire son primitivisme
Flore Boutrolle, la mère de Moirignot, était d’une famille normande, de Dieppe plus précisément, d’où la profession des frères, des oncles et des grands-pères : ivoiriers. Depuis le XVIe siècle en effet, le port de Dieppe s’était fait une spécialité de l’importation des défenses d’éléphants. Une communauté de sculpteurs s’y était établie au point de constituer le premier centre français du travail de l’ivoire. Au milieu du XIXe siècle une centaine d’échoppes étaient encore en activité, avant un déclin qui semblait irrévocable. Les meilleurs artisans, dont le père de Flore, Fernand étaient alors venus tenter leur chance à Paris. Les visites aux ateliers des oncles, grands-oncles, grand-père, émerveillaient le petit Edmond. Adolescent, il décida de les rejoindre et déménagea chez l’oncle Maurice, rue de la Fontaine au Roy.
Un art du fond des âges…
L’usage de l’ivoire remonte au Paléolithique. La Dame de Brassempary a 22000 ans, quand Lascaux n’en a que 15000. C’est l’Egypte, avec l’ivoire d’Ethiopie, qui affina le travail et lui conféra sa connotation de matière précieuse. La sculpture de l’ivoire s’épanouit au Moyen- Age, à la Renaissance et au Grand Siècle. Les sculpteurs de Versailles n’hésitaient pas à la pratiquer, François Girardon, Nicolas Coustou, Francis Duquesnoy par exemple. Rubens ne sculptait pas, mais il avait établi plusieurs ivoiriers dans son atelier. L’invention de l’ivoirine, cet ersatz qui permet le moulage, puis l’interdiction du commerce des défenses d’éléphants, ruinèrent cet art qui avait été le raffinement extrême de toutes les cours du monde.
En sculpture, la matière première, forme et texture, guide la création, la contraint et l’inspire. L’ivoire présente ces caractères. La défense déjà, deux mètres au plus dont la pointe seule est pleine, retient les dimensions. Pour les plus grandes, la forme inclinée est obligée. La partie pleine est réservée à la taille en ronde-bosse, c’est-à-dire en volume ; la partie creuse est découpée en plaquettes pour les bas-reliefs et la gravure. Il est toujours possible de joindre plusieurs pièces pour libérer l’œuvre de ces contraintes et c’est le cas de nombreux crucifix anciens dont les bras sont rapportés, mais les raccords sont difficiles entre les veines de l’ivoire et les couleurs, et très vite les joints noircissent.
L’ivoire a une structure particulière. Il est formé de couches de croissance concentriques, comme le tronc d’arbre, traversées de canalicules rayonnant du centre vers l’extérieur. L’ivoire est dur mais il peut se casser, se fendre dans le fil. "Il a ses lois, comme le marbre les siennes ou le bois. Il a un cœur et il te parle, il faut composer avec lui", dira Moirignot. Imaginant la forme, le sculpteur dessine au crayon sur la défense, puis élimine la matière pour dégager cette forme. C’est le processus de la taille directe que Moirignot exaltera dans la pierre, le marbre et le bois et qui enchantera son imagination.
L’authenticité du primitivisme africain et océanien, revigore l’art de ce début de XXe siècle. Moirignot puise, lui, par l’ivoire dans le primitivisme français. On découvre l’Afrique, elle fascine. Matisse est ébahi par les masques : "Comparativement aux sculptures européennes qui dépendent toujours du muscle, de la description de l’objet d’abord, ces statues nègres étaient faites d’après la matière, selon des plans et des proportions inventées". Cette libération du muscle et de la description de l’objet, cette liberté des proportions réinventées, Moirignot les tiendra moins du primitivisme africain que du primitivisme français, ce qui conférera à son travail un raffinement particulier, unique. Cet allongement des silhouettes, par exemple, dépend moins de Giacometti, qui le tient, lui, des Etrusques, que des corps gothiques. Et la Danse sacrée est sœur des statues colonnes des portails de nos cathédrales.
…au pouvoir magique, exorciste. Cette fréquentation des sculpteurs primitifs lui impose aussi avec force l’exigence du sacré : que la statue porte une "présence" qui lui confère son rôle d’intermédiaire avec l’au-delà, sinon elle n’est que babiole. Il s’agit du même mystère que Picasso a pressenti, confronté à la puissance sacrée de l’art nègre. Le sculpteur africain est sorcier, il dialogue avec l’inconnu. Beaucoup d’artistes du début du XXe siècle ne virent dans l’art africain qu’une source d’inspiration de formes simplifiées, un élément de style qui conduira à la sculpture art déco, aveugles à la robustesse spirituelle de ces fétiches. Picasso, au contraire, perçut cette énergie secrète et fondamentale : "Les masques, ils n’étaient pas des sculptures comme les autres. Pas du tout. Ils étaient des choses magiques […] J’ai compris à quoi elles servaient, leurs sculptures, aux Nègres […] Pour aider les gens à ne plus être les sujets des esprits, à devenir indépendants. Des outils […] . Les Demoiselles d’Avignon ont dû arriver ce jour là, mais pas du tout à cause des formes : parce que c’était ma première toile d’exorcisme, oui !" Par la voie de l’ivoire, Moirignot accède à ce souffle sacré, qui n’est pas "étriquement" religieux, mais ouverture aux aspirations éternelles de l’homme. Ses sculptures porteront cette densité spirituelle, exorciste.
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